mercredi 30 mai 2012

De l’ambition pour l’École : les convictions du gfen


Dans une première longue  partie de réunion, nous avons pu échanger à partir des textes de la plaquette que nous vous livrons ci-dessous.
De l’ambition pour l’École
L'école forme, certes… mais à quoi ?
Former des travailleurs compétents sur un marché de l’emploi concurrentiel ? Orienter une minorité de jeunes vers les « pôles d’excellence », et les autres vers les petits boulots précaires d’exécution ? Est-ce ainsi que les hommes et les femmes s’humanisent ?
La visée d'employabilité, adossée au « tout économique » qui est assigné à l'école, rend aveugle sur la fonction essentielle du savoir, qui est l’émancipation. L’école doit permettre une appropriation du patrimoine culturel de l’humanité qu'il s'agisse des œuvres humanistes, scientifiques, techniques, artistiques, qui nous affilient à toute l’histoire humaine et par lesquelles se découvre et s’enrichit la personnalité. L’école doit viser une socialisation élargie qui porte l’élève au-delà de ses premières attaches : familiales, sociales, culturelles. L’école doit développer une aptitude au travail collectif : comprendre et gérer aussi bien le conflit que la coopération. L’école doit cultiver une conscience critique : apprendre à problématiser et à hiérarchiser les informations reçues et, ainsi, à se forger un esprit critique et des convictions réfléchies. Autant d'apprentissages qui participent d'une citoyenneté agissante, indispensable pour actualiser et dynamiser la démocratie.
Le parti pris du « Tous capables » prend tout son sens dans le fait de prendre en compte, dans l'acte d'apprentissage, les potentialités immenses de chaque enfant pour qu'elles deviennent capacités effectives.

Quand l'individualisation sert l'exclusion
Aujourd’hui, l'individualisation s’affirme comme la seule réponse à l’échec scolaire : il faudrait, dit-on, adapter la scolarité aux « besoins » de chaque enfant en fonction de ses « talents », de ses « goûts » de ses « intérêts ».
Mais les différences entre les élèves ne sont pas naturelles, elles sont culturelles, construites socialement. Alors que certains enfants sont, dès leur entrée à l’école maternelle, en connivence avec la culture scolaire, d'autres, issus des milieux populaires, rencontrent des pratiques si éloignées de leurs pratiques familiales qu’ils les ressentent comme étrangères, voire disqualifiantes et violentes. Ignorer cela revient à légitimer les orientations précoces ou à penser l’échec sur le mode de l’anormalité psychologique. Ce déni du social amène ainsi à systématiser les aides personnalisées, qui ne font que répéter les mécanismes d’exclusion, à prôner médicalisation ou psychologisation normatives. Au bout du compte, l’enfant est doublement culpabilisé : « élève en difficultés » et « élève dys... » voire « anormal ». L’individualisation, telle qu’elle est pensée, ne fait finalement que renforcer les logiques ségrégatives.
Contre cette naturalisation des difficultés scolaires, nous réaffirmons ici la nécessité d’une haute exigence pour tous, dans l’affirmation de la capacité de chaque élève à apprendre, à se transformer en se dépassant.

Retrouver la saveur des savoirs pour redonner sens à apprendre
Une idée très répandue considère la transmission comme une opération de simple transfert de connaissances. Dans une telle conception cumulative des savoirs et mécaniste de l'apprentissage, l'inégalité reste une fatalité : quelques-uns seraient « naturellement » aptes à recevoir le plus, tandis que la grande majorité devrait se contenter d'un minimum faussement garanti.
Contre cette vision linéaire et appauvrissante du savoir comme « produit à stocker », nous soutenons l'idée d'un savoir qui se construit dans un processus de transformation. Les incompréhensions que rencontre l'élève dans son apprentissage ont à voir avec des problèmes auxquels s'est heurtée l'humanité au long de son histoire. Le théorème de Thalès, la circulation sanguine, la tectonique des plaques, la création poétique, l'exploration de l'histoire, l'usage d'une langue étrangère… autant d'énigmes, de questions à se poser, de problèmes à résoudre. Il s'agit de faire vivre à chacun(e), en interaction avec les autres, des situations stimulant inventivité et rigueur de pensée.
C’est dans une telle communauté de recherche et d’élaboration que se construisent tant les savoirs que la personnalité de chacun.

Moins tenir sa classe que « faire classe »
« Les élèves désobéissent… ne travaillent pas... veulent savoir sans faire l'effort d'apprendre... se comportent comme des sauvages » : qui n’a jamais entendu ces plaintes ? La souffrance est partout : chez les élèves, chez les enseignants, chez les parents, au point d’imaginer qu’une répression sans faille serait la solution. Mais toute répression est régression, faute d’interroger les causes du mal.
Aucun autoritarisme, aucune violence, aucune menace n'engagera jamais un élève dans un processus d'apprentissage réel. Un renversement pédagogique est indispensable si l’on veut éveiller la curiosité, reprendre pouvoir sur le désir d’apprendre, faire partager la joie de comprendre et d'interroger le monde. La pédagogie est invention permanente de situations adaptées, de défis sollicitant l'intelligence, visant à enclencher une dynamique d'élaboration collective.
Pratique d' « auto-socio-construction du savoir » conçue, mise en œuvre, théorisée dans l'éducation nouvelle.

La formation, clef du changement
Triste sort que celui fait à la formation, d’un « haut niveau » académique sacrifiant la professionnalité dans un déni consommé de la pédagogie : symptôme d’un renoncement à la démocratisation et à la formation intellectuelle des futurs citoyens ?
Une formation des enseignants est plus que jamais nécessaire, si tant est que l’on se soucie encore de démocratie, c’est-à-dire de la formation d'un peuple souverain. Il est urgent d’encourager une conception solidaire de la pratique professionnelle, le travail d'équipe, que ce soit pour élaborer des situations d'apprentissage, échanger sur les gestes professionnels (faire classe, s'ajuster à l'inattendu, théoriser les démarches), ou encore pour inscrire l'action éducative dans une stratégie qui mobilise l'ensemble des acteurs (élèves, personnels, parents, collectivités locales ...).
Tous, élèves comme enseignants, sont capables... à condition de leur en fournir les moyens.

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