Pédagogie : petits choix et gros maux
Jacques Bernardin
Notre rencontre n’y aura rien changé, le MEN confirme l’arrêt du soutien d’un de nos deux détachés. Habillée sous le costume de la rigueur budgétaire, cette décision – à conséquence redoutable pour notre survie - est à considérer au regard du sort parallèlement fait aux autres mouvements pédagogiques, à l’INRP et à la formation des enseignants.
La pédagogie n’est plus à l’ordre du jour, hors de celle qui consiste à redire le même message dans les medias pour faire comprendre à l’opinion qu’elle a tort. Il paraît donc entendu qu’une bonne maîtrise des contenus à enseigner suffit largement pour faire autorité auprès des élèves et que l’autre pédagogie (baptisée malicieusement « pédagogisme » pour bien désigner l’enflure de méthodes promptes à brouiller le contenu), égarement des années 68, est la source de tous nos maux. Elle peut apparaître comme un luxe inutile pour les élèves qui partagent les valeurs et les codes de l’école, déjà installés dans un rapport à la culture en phase avec la parole professorale (bien qu’il soit légitime d’interroger ce qui s’acquiert vraiment là, au-delà même du contenu visé). Mais pour les autres, tous les autres ?
Élargissons la ressaisie du paysage. L’aide fût-elle personnalisée suffira-t-elle à combler les lacunes accumulées par un nombre croissant d’élèves ? A partir de quelle masse critique la ‘pédagogie ordinaire’ sera-t-elle interrogée ? Et que penser du sort fait aux zones prioritaires ? La dénomination « ambition réussite » saura-t-elle tenir ses promesses avec les mesures prises ? Les collèges CLAIR, le busing, le partenariat avec les grandes écoles : au-delà de l’effet d’affichage auprès de l’opinion publique, n’est-on pas en train de promettre la lune à quelques-uns au prix du lâchage de la quasi-totalité des autres ? Quelle perspective ouvre t’on à la jeunesse qui n’est pas née avec la cuiller d’argent dans la bouche ?
Mais dans une société hyper concurrentielle, sans doute n’est-il pas raisonnable d’élargir l’accès au savoir et à la culture : les places enviables ne doivent pas souffrir d’une concurrence excessive et ce serait donner bien trop d’espoir et d’ambition à ceux qu’on promet aux emplois précaires et faiblement qualifiés. II n’est pas bon de générer de la frustration, pas plus qu’il n’est souhaitable de trop développer l’esprit critique : le consensus social pourrait en pâtir.
Hors des menaces graves pour le GFEN (qui n’en est pas à ses premiers coups, jusqu’à connaître la clandestinité à une époque funeste), ces choix sont dramatiques pour l’avenir de notre pays et, ainsi que l’exprimaient des Inspecteurs d’Académie, « risquent de nous coûter cher », y compris sur le plan économique selon l’OCDE qui note qu’ « en période d’austérité, il faut conserver les moyens essentiels qui vont permettre d’assurer une croissance durable, en particulier dans l’éducation ». De dangereux révolutionnaires, assurément…
Les comparaisons internationales plaident pour les systèmes qui font rimer efficacité et équité en assurant un réel tronc commun jusqu’au terme du collège, ont abandonné les redoublements et les classes de niveau, font le choix de la promotion collective grâce à un fort investissement pédagogique soutenu par une formation et un accompagnement conséquents, avec une incitation au travail en équipe. La pédagogie serait-elle l’audace de l’avenir ?
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Il est maintenant clair que le GFEN ne peut vivre sans un soutien plus affirmé, aussi engageons-nous chacun à adhérer et à signer l’Appel à soutien « Pour que vive le GFEN ».
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